Gaal Abdou1998:
Je n’ai ni la patience ni le temps de Monsieur Mohamed Yehdhih Ould Breidelleil. Cependant, je n’ai pas pus m’empêcher de vous livrer ma réaction à la série d’articles qu’il a publié récemment sous le titre « La Mauritanie et l’Azawad ». Car je crois sincèrement que ces articles incendiaires sont véritablement dangereux aussi bien pour la Mauritanie que pour ces voisins.
Ils sont d’autant plus dangereux que l’auteur est considéré par beaucoup comme un intellectuel d’envergure. De plus, il a certainement ses entrées au sein du pouvoir.
Je suis totalement conscient de l’inégalité des « armes » entre un intellectuel reconnu et un simple quidam qui de plus est écrit sous un pseudonyme. Mais je suis le hadith qui nous demande de changer le « mounkar » par les moyens dont on dispose même les plus dérisoires et c’est « l’iman » le plus faible.
J’aurais certainement put polir ce texte et l’agrémenter de références mais par paresse et par manque de temps je vous le livre tel quel tout en en espérant votre indulgence pour la forme et tout en vous exhortant à vous concentrer sur le fond. Sur le fond mon message est simple, à l’heure actuelle toute atomisation supplémentaire de nos pays ne peut que nous apporter malheur sur malheur. Travaillons, au contraire tous, a plus d’unité et de solidarité à la fois à l’intérieur de chacun de nos pays respectifs et entre nos pays eux-mêmes.
Ceci étant dit voici ma lecture critique du texte de monsieur Ould Breidelleil :
L’auteur ne déroge pas à sa tradition de citer à outrance des individus disparus depuis bien longtemps. Cet argument d’autorité est très présent chez notre auteur qui en nous submergeant de citations tente de nous « minimiser » devant tant d’illustres « ancêtres ». Nous ne pouvons qu’acquiescer et dire : « hah wallahi », quel érudit, cet argumentaire doit être impeccable et ses conclusions imparables. Or pas si vite, essayons de comprendre et de juger sur pièce, éditons le texte pour supprimer tous les noms qui risquent de nous intimider et essayons de déterminer la validité de l’argumentaire en lui-même.
Le fait que Coppolani ait visité l’Azawad avant de conquérir la Mauritanie est donné comme preuve que la Mauritanie ne peut ignorer l’Azawad. Excellent, bon point. Mais avait-on besoin de tant de détour pour dire qu’un pays, n’importe quel pays est d’abord lié par la géographie. La Mauritanie ne peut nullement ignorer sa position géographique. Pour cela, elle ne peut pas ignorer le Mali (y compris l’Azawad), pas plus qu’elle ne peut ignorer ses autres voisins du Sud et du Nord.
L’auteur fait des détours dans tous les sens pour arriver à sa conclusion et il faut parfois s’armer de courage pour avaler ces digressions en les marquant au feutre rouge comme simplement « hors sujet ».
Durant l’un de ses détours l’auteur nous dit tout le bien qu’il pense de la politique. Ce n’est rien de moins qu’une fée, pour lui. Revenons aux sources : c’est quoi la politique, c’est quoi cette fée ?
Permettons nous, tout d’abord, de rappeler à l’auteur tous le mal que pensent ses compatriotes de la politique, la fameuse « beletig » mais il pense certainement à autre chose lorsqu’il dit que la politique se situe au summum de la production intellectuelle humaine. Je me permets humblement d’exprimer mon désaccord. Pour ma part, je considère la science, et à sa base, la méthode scientifique comme le summum de la production intellectuelle. Mais ceci est une opinion que j’ai déjà exprimé ailleurs (voir Cridem).
C’est quoi la politique, c’est quoi cette fée, donc ? Sans trop se compliquer la vie nous pouvons dire que la politique est l’art, certains dirons la science, de gouverner. Elle est concernée d’abord par la détention du pouvoir donc de la force et les moyens d’y accéder. En ce sens, la politique est plus une pratique qu’une production intellectuelle. La stratégie est certainement la production intellectuelle la plus utile aux politiques. Mais ce n’est déjà plus de la politique en tant que telle.
L’auteur se lance ensuite dans une diatribe enflammée pour glorifier le politique qui travaille corps et âme pour améliorer le sort de nous-autres quidams inconscients et ignorants. Mais ou donc a-t-il vu ce personnage hors du commun ! Je rêve ! Nous n’avons jamais vu que des individus souvent peut recommandable assoiffés de puissance, de pouvoir et d’argent utiliser ce genre de discours pour nous rendre encore plus ignorants, plus pauvres et plus « quidam » qu’on ne l’était déjà. Pour un « Madiba » combien y’a-t-il de politiciens véreux sous le soleil ?
L’auteur passe ensuite imperceptiblement à notre politique locale actuelle et récente pour lancer des pics à l’opposition non dialoguiste. Il passe ainsi de ce qu’il appelle « la politique contenu » à ce que nous appelons tous de « la politique politicienne ». Il suffit ici de constater que notre cher auteur a distribué ces remarques assassines à tous les pouvoirs successif et à leurs oppositions en s’arrêtant net un 6 Août 2008. Y’a-t-il là anguille sous roche ? Hum !!!
Je ne pus que me délecter du paragraphe suivant : « L’autre fait, autrement plus déterminant et qu’on ne peut élaguer par l’oubli, est qu’on a toutes les peines du monde à croire et à démontrer que les membres du Comité Militaire, étaient unanimes pour instaurer la démocratie et céder le pouvoir à des civils. Cette assertion est valable, jusqu’à preuve du contraire, lorsque Moaouiya Ould Taya a instauré, en 1991, le pluralisme. » La question qui se pose alors : cette assertion est-elle encore valable en ce mois d’Août 2012 ? Je donnerais bien mes habits de la fête pour savoir la réponse de l’auteur.
Mais nous nous égarons, à la suite de notre cher auteur, revenons à nos moutons. Revenons à « la Mauritanie et l’Azawad ».
L’argumentaire de l’auteur reprend alors le fil du sujet. Le « territoire maure » aurait été divisé par le colonisateur. Arrêtons de nous regarder le nombril. Oui le colonisateur a divisé les maures entre plusieurs pays. Ceci est un fait indéniable. Mais c’est bien ce qu’il a fait pour toutes les ethnies africaines. Je dis bien toutes ! Donner moi un seul contre exemple et je vous donne mes habits de la fête d’El Fitr.
Vouloir aller vers l’indépendance de l’Azawad ou de toute autre communauté ethnique est un suicide. C’est un combat d’arrière garde qui n’a aucune raison d’être. Prôner l’indépendance de quelques centaines de milliers d’individu dans un territoire désertique, enclavé et pauvre est un non-sens absolu !
D’ailleurs l’Azawad a-t-il l’homogénéité ethnique à laquelle l’auteur veut nous faire croire. A y regarder de plus prêt cette homogénéité n’existe pas, loin s’en faut. Il y’a les « Touaregs » ; « les Arabes », « les Songhais », et bien d’autres groupes ethniques encore. L’azawad, que notre auteur souhaite être indépendant, ne risque-t-il pas de connaître des tensions interethniques dès que son indépendance a été proclamée ? N’est-ce pas déjà le cas en ce moment même ou on voit des groupes issus des « arabes » de l’Azawad s’organiser pour contrer l’hégémonie grandissante des Touaregs ?
L’intangibilité des frontières issus de la colonisation est un principe sage et le bafouer reviendrait à ouvrir la boite de Pandore. Nul ne sait ce qui en sortira. Ne soyons pas naïfs. Oui les frontières issues de la colonisation sont loin d’être idéales mais c’est tous ce que nous avons. Si nous touchons à l’intégrité territoriale du Mali. Nous menacerons automatiquement l’intégrité territoriale des tous les pays de la région, y compris le notre.
Il est beaucoup plus judicieux, à mon avis, de travailler à l’intégration sous-régionale plutôt que de militer pour une atomisation d’états déjà faibles. La tendance au regroupement est une nécessité des temps modernes et tous les ensembles sous-régionaux et régionaux l’ont compris et travaillent dans ce sens.
Il ne sert alors à rien de réveiller les vieux démons et de vouloir réécrire l’histoire. L’Histoire est ce qu’elle est et nous en sommes aujourd’hui là ou on est. Il est bien plus judicieux et profitables pour tous de s’atteler à la tâche autrement plus glorieuse d’apprendre ou réapprendre à vivre ensemble en bonne intelligence avec tous nos voisins. Et commençons par éviter de s’immiscer dans leurs affaires intérieures.
L’affaire de la sécession de l’Azawad est une affaire intérieure Malienne. Nous devons la traiter en tant que tel et aider, dans la mesure du possible, nos frère Maliens à s’asseoir autour d’une table et à discuter de leur avenir ensemble. Faute de quoi un troisième larron, déjà bien présent dans la région, nous devanceras tous et tirera seul les marrons du feu et les consommera tranquillement sur notre dos.
Le problème qui se pose en ce moment est un problème qui se pose, au moins de manière latente, dans tous les pays de la région. Il n’est certainement pas chevaleresque de mettre les Maliens devant leur responsabilité et oublier les nôtres. Nous devons tous nous rendre à l’évidence et essayer de vivre en harmonie avec toutes les composantes ethniques, divisés par des frontières coloniales arbitraires, qui composent chacun de nos pays. L’indépendance n’est certainement pas la solution au problème. Elle ne l’est certainement pas plus pour l’Azawad malien que pour toutes les autres « Azawads » en puissance dans la région.
Vous le dites vous-même « Un pays est d'abord fondé sur une volonté des diverses parties de coexister, de vivre ensemble dans la paix. » Faisons tous, tout notre possible pour construire et raffermir cette volonté. Au lieu de vouloir résoudre l’injustice des frontières coloniales en créant de nouvelles frontières (de nouvelles indépendances). Luttons plutôt à dissoudre petit à petit ces frontières coloniales en construisant des ensembles globaux qui auront une chance de survie dans un monde de plus en plus complexe et globalisé.
L’indépendance du Sud Soudan est certainement un précédent regrettable mais ce n’est certainement pas l’exemple à suivre. Quelle idée de vouloir atomiser l’Afrique davantage alors que tous les autres continents travaillent à leur intégration. Sommes-nous la victime d’une malédiction historique à toujours marcher à reculons là ou les autres avancent à grands pas vers plus de progrès et de prospérité ?
Enfin, l’auteur nous montre à plusieurs reprises son manque de respect absolu par ce qu’il appelle « le peuple ». Pour lui, la salvation viendrait des experts, de « ceux qui savent » plutôt que des « masses ignorantes ». Cette approche que les Anglo-saxons qualifient de « top-down » a démontré son inefficacité dans les temps modernes. Elle a échoué dans le bloc soviétique et les économies dirigistes. Elle a échoué dans les pays arabes ayant adopté le socialisme dans ces différentes nuances, y compris le « Ba'athism». Nous n’en avons pas besoin chez nous.
Dans le monde actuel de l’informatique et de l’Internet, une autre démarche se révèle beaucoup plus avantageuse. C’est la démarche qualifiée de « bottom-up ». Faire confiance au « peuples », à la sagesse des foules (wisdom of the crowd) et ne surtout pas laisser notre devenir à tous aux mains de quelques-uns fussent-ils « des sages ».
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