Gaal Ajana:
Notre pays est
connu pour son manque de talent en matière de communication, en général, et
particulièrement en temps de crise.
Le nomade, si
avide de ‘nouvelles’, devient inepte à communiquer lorsqu’il se trouve au
pouvoir, au sommet d’un état moderne.
Pourtant, à
chaque puits et à chaque halte dans ce vaste désert, les gens n’arrêtent pas de
communiquer rapidement, efficacement et avec candeur. Généralement, après les
salamalec et les nombreux ‘chtary’, l’un des protagonistes change de rythme et
commence ainsi « je n’ai rien trouvé de neuf qui soit bien particulier, je
suis parti ce matin de tel village ou campement à la recherche d’un ‘azouzal’
qu’il décrit de manière très précise … » Après cela, les présents donnent
chacun les informations dont ils disposent et posent aux autres des questions
précises qui leur tiennent à cœur. On échange les informations sur les bêtes
perdues, sur l’état des puits et des pâturages et bien sûr sur les faits de
société et de politique nationale et même internationale. Les informations
échangées sont souvent extrêmement précises et les analyses d’une finesse
extraordinaire.
Pourquoi, alors,
nos dirigeant et hommes politiques sont de si piètres communicateurs ? Je
ne suis pas un spécialiste de la communication mais un enfant de l’Internet. Le
récit qui suit n’est certainement pas l’avis d’un spécialiste mais il montre
qu’avec un peu de jugeotte et une petite recherche bibliographique on peut
élaborer quelque chose qui tient à peu près la route.
Le communicateur
américain Steve Adubato déclare que l’une des règles d’or de la communication
en temps de crise est de donner une information exhaustive et surtout à temps.
Le temps est un facteur extrêmement important en période de crise. Il y’a une
fenêtre temporelle durant laquelle une information complète, crédible et
précise est fournit au publique. Si l’information n’est pas donnée durant cette
fenêtre le public réagira avec suspicion à toute information fournit en retard.
Lors du récent
accident du chef de l’Etat, la communication rapide a été très appréciée des
Mauritaniens. Malheureusement, le système s’est réveillé très vite et a pris
les choses en main en maintenant l’opinion publique dans un black-out total.
Les rares sorties ont été désastreuses. La prestation du ‘coupable’ sur le
petit écran fut tellement médiocre que même les soutiens les plus convaincus
ont commencé à douter de la version officielle des faits. La sortie du
président de l’assemblé aurait pût être bien accueillie n’eut été l’amateurisme
avec laquelle elle a été conduite. MOB n’avait pas besoin d’appeler à une
conférence de presse s’il n’était pas prêt à répondre aux questions des
journalistes. Il suffisait de faire un communiqué ou de lire une déclaration à
la télévision nationale. Une conférence de presse, c’est fait pour donner
l’occasion aux journalistes de poser leurs questions et d’y répondre. Ce n’est
pas fait pour poser soi-même les questions qu’on juge pertinentes et y
répondre. Les questions que se posait MOB sont pertinentes et ses réponses
peuvent être convaincantes mais ce ne sont pas les questions du public. Les
questions du public peuvent être considérées comme étant inopportunes mais
elles méritent respect et réponse. Ce sont les règles du jeu démocratique.
Le timing de la
sortie de MOB est lui aussi mal choisi. Le président de l’assemblée est connu
pour sa franchise et ses positions claires mais, en période de crise, nul n’est
au dessus du soupçon. Il aurait été beaucoup plus judicieux et chevaleresque de
la part de MOB d’attendre la fin du meeting de la COD (le lendemain) pour
annoncer qu’il a parlé avec le chef de l’Etat. Cela aurait donné plus de
crédibilité à son récit car il ne pourra plus être interprété comme une bombe
destinée à torpiller la mobilisation de l’opposition. Les leaders de
l’opposition y verraient un gage de sincérité et la majorité comprendra qu’elle
a plus intérêt à donner une information que le public acceptera largement
plutôt qu’à donner une information qui ne fera qu’obscurcir davantage la scène
nationale.
Steve Adubato
explique également l’importance de définir les partenaires impliqués dans la
crise et de communiquer clairement et rapidement avec eux.
Dans le cas de
l’accident du président, les principales parties prenantes sont :
- Les médias : les médias font office d’une courroie de transmission entre les décideurs et le grand public. Dans ce sens le mépris pour les médias démontré par MOB lors de sa conférence de presse est impardonnable (d’un point de vue de la communication). Ses excuses rapides jouent en sa faveur tout en confirmant son caractère soupe au lait : très prompt à la colère et très prompt à demander pardon !
- Le public : Le citoyen Lambda dort tranquille parce qu’il sait qu’il y’a des autorités et des institutions qui veillent sur lui. Le black-out sur la santé du président ne peut qu’aboutir à une anxiété grandissante dans les rangs du public. Le gouvernement aurait dû mettre sur pied, dès les premières heures, une cellule de crise constituée de personnalités reconnues et crédibles. Cette cellule aurait pour vocation de suivre la situation en permanence et de tenir le public informé.
- L’administration : Les fonctionnaires de l’état sont un groupe de citoyens particuliers. Le gouvernement aurait dû prendre l’initiative et chaque ministre aurait dû réunir ces cadres et leur donner des informations fiables sur la situation et sur ce qu’il faut faire. Les fonctionnaires constituent un relais important de l’information. Ils sont par ailleurs jugé crédibles ne serait-ce que par leur proches et amis.
- Les partis politiques et la société civile : La société civile et les parties politiques sont des partenaires incontournables dans la gestion de la chose publique. Ils méritent de recevoir une information de qualité et de première main.
- Nos voisins et nos partenaires : notre diplomatie a le devoir de tenir nos voisins et nos partenaires informés de manière précise et avec célérité.
Afin de rassurer
le public, l’image que le pouvoir aurait dû donner devrait comporter les
éléments suivants :
- Montrer que la Mauritanie reste la priorité numéro une dans cette crise. Pour cela le président, avant de quitter le sol national, aurait dû déléguer une partie de ses prérogatives au premier ministre assurant ainsi la continuité de l’état en son absence. La situation nationale et internationale sont très délicates et une vacance, même temporaire, du pouvoir à Nouakchott pourrait avoir des répercussions grave sur le pays ;
- Montrer que les autorités sont responsables et prennent les choses au sérieux. Distribuer les rôles de manière claire entre le gouvernement et les forces de sécurité. Les forces de sécurité n’ont rien à cacher, c’est leur rôle de veiller à la situation sécuritaire du pays. Elles doivent montrer qu’elles jouent ce rôle et rien d’autre ;
- Montrer que le gouvernement communique de son plein gré sans attendre de subir des pressions de la part des politiques ou de la rue. Montrer que ce problème concerne tout le monde, que la situation est loin d’être idéale, mais que nous sommes tous entrain de travailler pour surmonter la crise avec le minimum de dégâts pour le pays.
- Montrer qu’il s’agit d’une question d’état et non pas d’un quelconque quidam. La gestion du dossier de la santé du président devrait être assuré par l’administration du pays et non par la famille. Le rôle de la famille de toute personne, en des circonstances similaires ne peut être négligé. Mais lorsqu’il s’agit du premier citoyen d’un pays, la famille doit se faire discrète et s’éclipser derrière les autorités du pays.
L’accident qui est
arrivé au président de la république est une chose grave. La façon dont il a
été géré jusqu’à présent est empreinte d’un amateurisme impardonnable. La
communication, dans ce genre de situation, ne doit pas avoir pour but
simplement d’informer même si cela est très important, elle doit montrer
surtout aux citoyens et à nos voisins et partenaires que nous sommes
suffisamment mûrs pour affronter les grandes crises. Le plus grave dans ces
tentatives de ‘couverture’ des événements par des histoires peu crédibles est
la création du doute et du soupçon parmi toutes les parties prenantes, de telle
sorte que même si une information correcte est donnée (le coup de fil de MOB),
celle-ci devient suspecte.
Bien sûr toutes
ces démarches demandent des efforts mais le pays « le vaut bien »
(comme dit la pub).
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