Gaal Abdou1998:
Ces derniers jours l’ouverture d’une nouvelle radio indépendante a permis de donner la parole à des personnes qui en étaient jusque-là privé par les médias officiels. Cependant, certaines de ces interventions m’ont laissé perplexe et mal à l’aise.Des individus qu’on présente comme des intellectuels ou comme des responsables de mouvements ou de partis politiques, ou des journalistes qui parlent de sujets qu’ils ne maitrisent pas, et qui en parlent dans un langue médiocre.
J’ai hésité avant de faire ce commentaire car le malaise, me semble-t-il, est plus profond. Il y’a également des considérations de divers ordres. Tout d’abord je ne connais pas ces individus et je n’ai certainement rien contre eux en tant que personnes. Malheureusement, je ne sais pas comment exprimer certaines idées sans avoir l’air de les critiquer. Cependant, je crois qu’en restant dans les généralités mieux vaudrait se taire.
Ensuite, je risque moi aussi de parler de sujets que je ne maitrise pas, et d’en parler dans une langue non moins médiocre. J’ai cependant fini par décider que la situation actuelle demande que chacun de nous, en son esprit et conscience, contribue au débat. Je m’excuse, au préalable, auprès des éventuels individus qui se sentiraient critiqués.
Ceci n’a absolument rien à voir avec qui que ce soit en tant que personne ou institution. D’ailleurs, qu’est ce qu’une personne qualifiée pour « parler de la chose publique ». Comment pouvons-nous la reconnaitre ? Comment l’individu lui-même pourrait reconnaitre s’il a le niveau requis?
Pour commencer, ce commentaire n’est-il pas d’une certaine manière « parler de la chose publique » ? Qui plus est de manière critique anonyme envers des personnes dont certaines ce sont exprimés publiquement avec leurs noms réels. Qui suis-je moi-même pour donner un avis sans même avoir le courage de le faire à visage découvert ? S’agit-il d’ailleurs simplement de manque de courage ?
Le commentaire anonyme est-il une façon recevable lorsque l’on « parle de la chose publique » ? L’existence même de ces tribunes n’est-elle pas ce qui permet à tous et à n’importe qui de se prononcer sur la « chose publique »? D’une certaine façon, c’est certainement le cas ; la preuve ! De toute manière, je profite de la tribune libre offerte par le site CRIDEM, tout en remerciant l’équipe dirigeante de ce site de tout cœur pour cette opportunité donnée à tous.
Les personnes que nous entendons ou lisons, dans ce pays, semblent généralement avoir la science infuse ou procéder par démagogie pure. C’est comme si pour elles, toutes les idées qui contribuent à ma vision de la chose sont bonnes et ceux qui les expriment sont beaux et gentils. Tous les autres sont des vilains. J’ai rarement remarqué le moindre doute chez l’un de ces intervenants, la moindre nuance dans le propos.
Je tiens à me démarquer ici clairement de cette attitude et je demande l’indulgence des lecteurs. En effet, je ne fais que me poser des questions à « voie haute », en quelque sorte. J’ai souvent lue sur de nombreux sites électroniques des pièces de prose affligeante sans que cela ne produise en moi cette gêne ressenti à l’écoute de discours d’un niveau similaire à la radio ou dans des journaux.
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, il semble que ma tolérance pour la médiocrité sur un site électronique soit plus grande que pour une médiocrité similaire sur un média traditionnel (radio, TV, journaux). J’avoue que depuis la démocratisation de l’internet je ne lis plus nos chers journaux. Je devrais probablement le faire, mais à chaque fois que je tombe sur un numéro de l’un de ces journaux dans un bureau et que je le feuillète furtivement, je me dis que je ne rate pas grand-chose.
J’avoue, également, que je n’écoute pas plus notre cher radio Mauritanie ni sa sœur la TVM. Et lorsqu’il m’arrive d’entendre (sans vraiment écouter) l’une de leurs émissions lorsque je suis de passage chez un ami ou un parent je me dis encore une fois que je ne rate pas grand-chose.
Un exemple récent : j’ai entendu (écouté serait trop dire) le journal de radio-Mauritanie le lendemain du sit-in de l’opposition. La nouvelle de ce sit-in était reléguée à la fin de l’édition. Elle se résumait à quelques phrases sèches dont les deux tiers étaient réservées au traitement subi par le reporter de la radio-Mauritanie que Saleh Ould Hanenna et Bettah n’ont apparemment pas accueilli avec le respect qu’il mérite.
Mais tenez-vous bien aucun mot n’a été dit sur la dispersion du sit-in par la police. J’étais abasourdi. Que fait la HAPA ? A quoi sert cet organisme payé par l’argent du contribuable ? Je dois être d’une naïveté qui dépasse tout entendement pour croire que dans notre cher pays les institutions servent à quoi que ce soit. J’avoue que je n’étais pas au meeting/sit-in mais j’ai été réveillé comme beaucoup de Nouakchottois en pleine nuit par le bruit des grenades de la police. Je m’attendais donc à ce que notre radio nationale en fasse au moins état ne serait-ce qu’en deux ou trois phrases.
La naissance de cette nouvelle radio privé nous a certainement permis d’entendre des choses que nous n’avions pas l’habitude d’entendre. Cependant, je me demande à chaque fois que j’écoute l’un de leurs journaux, pourquoi j’ai l’impression que quelqu’un est en train de lire à haute voie les sites électroniques de la place ?
Suis-je méchant avec nos journaux et nos médias audio-visuels publics ou privés naissants? Sans vouloir me disculper, je ne crois pas l’être. Mais il me semble que le seuil d’exigence varie en fonction du média. Un commentaire fait par un individu lambda, comme celui-ci, reçoit de ma part un niveau élevé de tolérance (ou un niveau faible d’exigence). Un article rédigé par un journaliste et publié dans un journal reconnu ou son équivalent sur une radio reçoit de ma part un niveau de tolérance beaucoup plus faible.
Ces individus ont un certain ascendant sur le citoyen ordinaire, une certaine autorité en quelque sorte. C’est pour cela, il me semble, que nos éditeurs de journaux, de radio et de télévision devrait montrer un minimum de respect pour le citoyen en faisant le tri de ce qui peut être écrit ou diffusé. Le journalise doit parler avec le souci de ce que l’auditeur va faire de ce qu’il dit. Ce n’est certes pas facile, mais c’est nécessaire.
Certains mots que je lisais tous les jours sur des sites électroniques sans la moindre gêne me choquent maintenant lorsque je les entends sur les ondes. Pour donner un exemple, le mot ‘haratines’. Nous voyons régulièrement sur des sites électroniques des phrases du genre : « la communauté ‘haratine’ n’acceptera plus ceci ou cela » sans que cela nous gêne outre mesure. Pourquoi une phrase similaire devient-elle gênante sur les ondes de la Radio ?
Je suppose que la radio devrait être plus vigilante envers tout ce qui pourrait exacerber le communautarisme dans ce pays. Je ne suis cependant pas sûr que ce soit là le fin mot de l’histoire.
Une illustration du phénomène du « tous ceux qui sont avec moi sont bons et les autres des vilains ». Regardez les commentaires sur la fatwa du Mehdi a propos de l’autodafé de Riadh sur le site CRIDEM. La plupart des commentateurs trouvent que ce Mehdi (cela ne s’invente pas) est un grand savant, une sommité religieuse qui dis enfin la vérité et certains le trouvent même beau (littéralement). J’avoue que je suis resté bouche bée pendant un moment.
Ces commentateurs se sont-ils donné la moindre peine pour savoir qui est ce Mehdi et quel est son degré de savoir avant de l’encenser ? Non, pour eux l’homme de Dieu a enfin parlé, toute autre parole est veine ! Mes chers compatriotes, ayez pitié de ce pays. Ayez pitié de vous-même ! N’exacerber pas les divisions et les haines avec des commentaires « idiots ».
Juste un dernier exemple dans ce registre, l’autre soir sur l’unique radio privé du paysage audiovisuel national, pour le moment, le présentateur du journal essayait péniblement de tirer quelque chose de cohérent du représentant d’un mouvement de jeunesse. Ce jeune individu, contre lequel je n’ai absolument rien, aurait mieux faire de se taire ou de s’exprimer dans une langue qu’il maitrise mieux.
Je ne suis certainement pas un élitiste et encore moins un intellectuel mais je crois que pour parler de la chose publique, que l’on soit un simple citoyen, un journaliste ou un aspirant leader d’opinion on doit d’abord s’assurer de s’en donner les moyens. Il ne s’agit certainement pas de se murer dans le silence et de laisser le champ libre aux « experts » de tout poil. Mais il ne s’agit pas non plus de dire tout et n’importe quoi.
Il s’agit, à mon sens, de prendre la peine de s’informer un tant soit peu sur le sujet sur lequel on veut intervenir. Il s’agit de nuancer son propos. Il s’agit de peser les arguments pour et contre, la tête froide avec un minimum de détachement et sans passion. Il s’agit de nous méfier de nous-mêmes et des biais que nous pouvons avoir.
D’autre part ceux qui ont en charge les medias (radio-TV-journaux) devrait être choisi de manière plus stricte. Dans la plupart des pays les écoles de journalisme sont des écoles prestigieuses. Elles sont accessibles uniquement sur concours et donnent des formations solides à leurs élèves. Ici, il ne semble pas qu’il y’ai le moindre préalable à l’exercice de cet métier ! Il est vrai que nous ne sommes pas ces « autres pays ».
Il est vrai que nous avons notre spécificité spatio-temporelle. Il est vrai que je ne prétends pas détenir la solution miracle. J’ose cependant, espérer qu’il y’ait une volonté réelle des uns et des autres pour élever le niveau du débat. J’ose également, espérer qu’il n’y a pas une volonté tout aussi réelle pour clochardiser le débat afin de nous dire « vous voyez, le débat ce n’est pas pour vous (le peuple) ». Vous n’êtes pas suffisamment mûr pour cela.
Une autre histoire a défrayée la chronique à Nouakchott récemment. Il s’agit de l’autodafé de Riyad ou le dénommé Birame a brulé des livres du rite Malékite. La question de l’esclavage dans notre pays ne mérite-t-elle pas une meilleure défense, un meilleur défenseur. Quelqu’un de plus posé, de plus fin, un Boubacar Ould Messaoud plutôt qu’un Birame. N’y-a-t-il pas des Birame dans l’autre camp ; celui de ceux qui ont démarré au quart de tour.
Ceux qui ont accusé pêle-mêle l’opposition démocratique, les juifs, les occidentaux et tous ceux qui envient la Mauritanie pour sa stabilité et son président (si si). Oui l’esclavage est le fruit de l’obscurantisme. Mais, Monsieur Birame, on ne combat pas l’obscurantisme par un obscurantisme similaire. Certes, il est plus facile de bruler un livre que d’en produire un soi-même, cependant c’est l’unique réponse acceptable. Il faut combattre l’argumentaire par un argumentaire meilleur.
Et dans le cas d’espèce l’argumentaire est tout trouvé et ne demande certainement pas une culture encyclopédique. L’esclavage repose sur la cupidité et la bêtise humaine. Rien ne le justifie. Rien ne peut le justifier. Mais l’esclavage est un fait humain, une réalité. La ou il y’a des hommes, il y’a eu à un moment donné de leur histoire de l’esclavage. Il serait faux, stupide et contreproductif de nous faire croire qu’il est l’apanage exclusif de ce pays. Le fait exclusif d’une ethnie de ce pays.
Le fait exclusif d’un rite particulier de l’Islam ; le rite Malékite. Il est temps d’ouvrir les yeux. L’esclavage ne sera pas éradiqué de ce pays par un coup de baguette magique. Que ce soit par une loi ou par un autodafé. L’éradication de l’esclavage et de ses séquelles ne pourra se faire que par un ensemble de mesures d’ordre légal, administratif, social, économique, etc.
C’est Voltaire, je crois, qui disait à un opposant « je hais vos idées mais je me battrais pour que vous puissiez les exprimer ». A quand « des lumières » similaires dans ce coin oublié de la planète ? Les tribunes libres se multiplient heureusement. Malheureusement, elles sont utilisées en grande partie par des individus qui ne se donnent aucune peine pour creuser une question particulière avant de jeter leur avis en pâture à tout un chacun. Il est temps que cet espace de liberté soit occupé par ceux qui sont les mieux outillé. Par ceux qui, majorité silencieuse, sont les plus modérés.
Oui, je déteste l’écrire, il y’a malheureusement des personnes qui ne devraient pas être laissé au devant de la scène pour « parler de la chose publique ». Oui, je déteste l’écrire, la cause de l’esclavage mérite de meilleurs défenseurs que Birame. Que tous les « Birame » des deux bords. Oui, je déteste l’écrire, Nos médias sont parfois lamentables (parfois seulement ?).
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